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Échecs en présentiel : comment organiser son premier tournoi ?

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Vous avez créé un club d'échecs en présentiel ou redynamisé les activités internes d'un club existant et la prochaine étape qui vous tente à présent est d'organiser votre premier tournoi plus important ? Quelques conseils !

J'ai entrepris de rédiger plusieurs articles pour expliquer pourquoi les échecs en présentiels étaient en crise et pourquoi beaucoup de clubs d'échecs voient leurs activités décliner et leurs membres les quitter. (À noter que j'écris ces articles depuis le point de vue d'un joueur d'échecs en Suisse romande.) Les articles précédents de cette série :

Supposons qu'après avoir lu et mis en pratique mes conseils de l'article Échecs en présentiel : comment organiser les activités internes d'un club ?, votre club a recouvré de la vigueur et que de nouveaux joueurs viennent de plus en plus grossir les rangs de ses membres. Probablement que vous et que certains autres membres de ce club redevenu dynamique envisagent à présent d'organiser un événement plus important pour poursuivre la spirale positive dans laquelle s'est engagé le club. Dans le monde des échecs, cela se traduit souvent par se lancer le défi d'organiser un tournoi plus important que ceux organisés dans le cadre des activités internes.

Quelques conseils pour organiser un tournoi qui dépasse en taille ceux des activités internes du club

L'intention d'organiser un tournoi plus important ouvert vers l'extérieur du club est fort louable, mais pour que cet événement s'inscrive positivement dans la dynamique de développement général du club, il convient de ne pas se jeter tête baissée dans son organisation, mais de la penser soigneusement avant de se mettre à la tâche. Voici les principales questions à se poser et les conseils que j'apporte avant de se lancer dans l'organisation d'un tournoi d'une certaine envergure.

1. Quel genre de tournoi organiser ?

La principale caractéristique qui va en déterminer beaucoup d'autres lors de l'organisation d'un tournoi est la cadence de jeu. En effet, par exemple, un tournoi typique de parties à cadence lente (1h30 + 30'' par coup) en 7 rondes dure au minimum 4 jours.

Mon premier conseil est de commencer par organiser un tournoi en parties rapides sur un jour (samedi ou dimanche) ou sur deux jours (week-end). Pour un tournoi sur un seul jour, une bonne cadence est 15' + 5'' en 7 rondes. Pour un tournoi sur un week-end, une bonne cadence est 30' + 10'' en 7 rondes.

Il faut savoir qu'un tournoi de parties rapides sur un seul jour ou sur un week-end attirera bien plus facilement les joueurs amateurs qu'un tournoi de parties lentes sur 4 jours ou plus. En effet, ce que cherchent avant tout la plupart des joueurs amateurs, c'est que jouer aux échecs soit en premier lieu peu cher et ne demande pas de prendre des jours de vacances.

Pour l'organisateur, un tournoi sur un jour ou un week-end est aussi plus simple à organiser (notamment en termes de disponibilité des ressources humaines à mobiliser) et coûte moins cher (surtout en raison de la location de la salle où se déroule le tournoi) qu'un tournoi sur 4 jours ou davantage.

2. Fixer un nombre limite de joueurs et ne pas accepter les inscriptions sur place.

Le nombre de participants à un tournoi a une incidence directe sur la complexité de l'organisation d'un tournoi, en particulier du point de vue des ressources humaines. Il faut compter environ un membre du staff pour 10 joueurs.

Mon deuxième conseil est de fixer d'emblée une limite au nombre maximal de participants dans le tournoi. Je conseille de fixer cette limite à 100 joueurs au total. Pour un événement de 100 participants, il faut compter un staff d'au moins 10 personnes.

Mon troisième conseil est de ne pas accepter des inscriptions de dernière minute sur place, mais d'utiliser un formulaire internet (par exemple Google Forms) et de fermer les inscriptions 48 heures avant le début de l'événement. Cela permettra au directeur du tournoi d'organiser sereinement le début du tournoi.

3. Nombre de catégories, classement Elo, finance d'inscription, planche de prix.

L'objectif d'un tournoi, surtout dans l'optique qu'il serve au développement général du club, est de permettre à n'importe quel joueur de pouvoir y participer, surtout à ceux qui ne sont pas déjà membres d'un club et d'une fédération d'échecs. Pour ce faire, il convient de subdiviser le tournoi en plusieurs catégories.

Mon quatrième conseil est de subdiviser le tournoi en deux catégories : une première catégorie pour les joueurs déjà membres d'une fédération d'échecs (tournoi qui comptera pour le classement Elo) et une seconde catégorie ouverte à toute personne sachant jouer aux échecs et qui ne comptera pour aucun classement Elo.
En effet, pour faire compter un tournoi pour un classement Elo officiel, les joueurs doivent déjà être membres d'une fédération (FIDE) et posséder un nº de code officiel, ce qui empêche donc les joueurs occasionnels de pouvoir y participer. Or, ce sont précisément chez les joueurs occasionnels que le club peut espérer recruter le plus de nouveaux membres.

Concernant la finance d'inscription au tournoi, il faut savoir que son montant va beaucoup conditionner la participation ou non des joueurs, en particulier celle des joueurs occasionnels.

Mon cinquième conseil est par conséquent simple : la finance d'inscription doit être la plus basse possible. En particulier, de nombreux organisateurs croient qu'augmenter la finance d'inscription dans le but de pouvoir offrir une planche de prix plus généreuse va faire augmenter la participation. Cela est complètement faux : le montant de la planche de prix n'intéresse que les joueurs qui participent dans le but de gagner seulement de l'argent, c'est-à-dire uniquement quelques maîtres, mais il n'a qu'une incidence très faible concernant la participation des joueurs amateurs. En revanche, le montant initial de la finance d'inscription va beaucoup conditionner la venue ou pas des joueurs amateurs et occasionnels.

La finance d'inscription ne devrait servir qu'à financer les frais obligatoires comme la location de la salle, la taxe pour la prise en compte par le classement Elo, etc., mais de façon très marginale la planche de prix. Pour un tournoi d'un jour, la finance d'inscription devrait être de l'ordre de CHF 20.- et pour un week-end de l'ordre de CHF 30.- au maximum.

Il est très envisageable que la planche de prix ne soit que "symbolique", voire inexistante. Je le répète, les joueurs amateurs, et encore plus les joueurs occasionnels, ne s'inscrivent pas à un tournoi dans l'optique de remporter un prix, mais avant tout pour passer de bons moments en jouant aux échecs. En outre, une planche de prix "symbolique" présente aussi l'avantage d'atténuer toute la problématique liée à la tricherie.
En revanche, la planche de prix est le poste idéal qui peut être financé par du sponsoring : il est en particulier souvent bien plus facile d'obtenir quelques prix en nature en guise de prix que de l'argent auprès d'entreprises partenaires.

4. Ne pas hésiter à innover !

Finalement, mon dernier conseil est de ne pas hésiter à innover par rapport à la manière dont les tournois sont "traditionnellement" organisés jusqu'ici. L'objectif des innovations doit viser à rendre le jeu et les tournois plus ludiques.

Il y a plusieurs directions dans lesquelles il est possible de songer à innover. En voici deux :

  1. Le système d'appariements : Traditionnellement, c'est le système suisse qui est utilisé, mais comme je l'ai développé dans d'autres articles, ce système présente de nombreux défauts. Il existe plusieurs autres manières d'imaginer les appariements, par exemple le système Keizer.
  2. La relativisation de l'importance du classement final : Dans la mesure où, comme je l'ai expliqué plus haut, l'existence d'une planche de prix n'a pas une très grande importance, cela rend la nécessité d'un classement final aussi bien plus relative. Ainsi, par exemple, on pourrait très bien imaginer jouer seulement 4 rondes en parties lentes 60' + 30'' (certains joueurs préfèrent des cadences plus lentes) sur un week-end, mais sans prévoir de classement final (un classement final avec seulement 4 rondes n'a pas vraiment de sens dès lors que le tournoi compte plus de 16 joueurs), avec un système d'appariements qui privilégierait de faire jouer ensemble des joueurs de force semblable dès la première ronde, ce qui rendrait les parties particulièrement intéressantes pour les joueurs.

Où se situent les principales difficultés lors de l'organisation d'un tournoi ?

Il est important de savoir d'emblée où peuvent se situer les principales difficultés lors de l'organisation d'un tournoi :

  1. Difficultés d'ordre financier : location de la salle de jeu, achat de matériel pour le tournoi (échiquiers, pendules, etc.), planche de prix, frais liés au défraiement des arbitres licenciés, publicité pour annoncer le tournoi, etc. ;
  2. Difficultés d'ordre ressources humaines : les membres du club sont-ils suffisamment nombreux pour s'investir bénévolement dans l'organisation de l'événement ? ;
  3. Difficultés d'ordre technique : le club possède-t-il des personnes ayant des compétences officielles pour arbitrer et pour diriger le tournoi ou bien doit-il faire appel à des personnes extérieures (frais supplémentaires à prévoir) ?

Je ne peux que souhaiter que ces quelques conseils aideront toutes celles et tous ceux qui désirent se lancer dans l'organisation d'un tournoi plus important que les "petits" tournois internes au club !