Alekhine tient fermement sa défense (2ème partie)

Il écrivit plus tard à ce sujet :
" Un examen consciencieux de cette question me dit que ce désavantage pouvait être double :
d'une part, le dogmatisme peut-être exagéré de mon style [...] qui engendrait un certain manque de plasticité, et, d'autre part, ma technique encore imparfaite du passage de la phase moyenne à une fin de partie aussi favorable que possible. ".

Il faut reconnaître que cette performance en terre allemande lui servira de "maître étalon" dans les manifestations suivantes jusqu'à son match pour la couronne mondiale en 1927 !

Suite à son exploit de Baden-Baden, Alekhine ne retournera à la compétition qu'en fin d'année pour participer au 6ème congrès de Hastings.

Face à une opposition plus faible qu'en Allemagne, il n'eut aucun mal à prendre la première place (conjointement avec le Dr Vidmar).

En mars, il se rend à Semmering - une station touristique prisée par la grande bourgeoisie viennoise - où, après un départ calamiteux (0,5 sur 3), il parviendra à accrocher la seconde place derrière le "local de l’étape", Rudolf Spielmann.

C'est ici que débutera une lutte sportive (prétendant au titre mondial) et théorique (sur l'ouverture en question) entre Nimzowitsch et lui.

En effet, le stratège d'origine lettone n'a pas une haute opinion d’Alekhine et n'hésite pas à critiquer les idées stratégiques de ce dernier dans ses écrits.

C'est dans ce contexte houleux que se dispute leur première confrontation autour de la défense Alekhine.

Moins d'une semaine après la fin du tournoi de Semmering, cinq des maîtres qui y avaient participé (Nimzowitsch, Rubinstein, Tartakower, Yates et Alekhine), se retrouvent à Dresde.

L'évènement va permettre au théoricien danois de s'illustrer et de l'emporter avec grande classe (8,5/9 !).

Dans l'ensemble, la performance du Russe est louable, et ce, malgré le fait qu'il manquera de peu la victoire dans leur partie.

Après avoir fait l'éloge de la performance du vainqueur et dire qu'il était satisfait de son propre jeu, cet évènement a pu jeter le doute sur sa prétention à être le prochain challenger au championnat du monde.

Surtout que peu de temps après, Nimzowitsch lança un défi à Capablanca !

Au mois d'août, Alekhine partit en Argentine pour une tournée d'exhibition (tournois, simultanées, conférences, ...) et y trouva des soutiens financiers importants auprès de la haute société afin d'organiser le prochain match de championnat du monde.

Après avoir reçu un engagement ferme de la part du Président de la Nation argentine en personne, il régla les clauses financières de la convention signée à Londres quatre ans auparavant et envoya à son tour un défi au champion du monde cubain.

Des tractations furent rapidement menées avec Capablanca et ce, malgré le fait que ce dernier prétendait que Nimzowitsch avait un droit prioritaire pour jouer un match contre lui.

Le Danois n'arrivant pas à réunir la somme exigée, le champion du monde accepta officieusement la demande d'Alekhine et le début du match fut fixé au mois de septembre 1927.

Seulement, au cours de son match d'entraînement face à Max Euwe (fin décembre 1926), il reçut un télégramme de la part du comité d'organisation du tournoi de New York où seul serait admis comme challenger celui qui remportera au moins la deuxième place dans leur tournoi qui aura lieu au printemps !

Alekhine se serait mit en colère en l'apprenant et menaça de ne pas participer au tournoi si les conditions n'étaient pas maintenues.

Avec l'accord du Cubain, Norbert Lederer (le directeur du tournoi) lui confirma cette garantie... et le Russe accepta finalement l'invitation.

Autant dire que la compétition qui débuta en février 1927 dans le cadre prestigieux de la salle des banquets du Manhattan Square Hotel sera un marathon haletant et exténuant pour les six belligérants présents.

Le tournoi débute le samedi 19 février 1927 et voit Aaron Nimzowitsch être le seul à se défaire de son adversaire du jour, Frank Marshall.

Malheureusement pour lui, il dut s'incliner dès le lendemain face au champion du monde et laissa Alekhine lui "damer le pion" après que ce dernier remporte "miraculeusement" sa finale de Tours face à Spielmann.

Deux jours plus tard, les deux rivaux se neutralisèrent rapidement dans une Anglaise symétrique, tandis que "Capa" se débarrasse facilement de "son vieil ami Franky", lanterne rouge du tournoi.

Dans la quatrième ronde, l'auteur de "Mon Système" utilisera l'attaque Nimzo-Larsen pour venir à bout du "maître de l'attaque" (Spielmann) et revenir à la hauteur d'Alekhine.

Les événements vont prendre une mauvaise tournure pour notre "héros" puisqu'il va perdre coup sur coup face au champion du monde... puis Nimzowitsch !

Au terme des neuf premières rondes, le Danois et le Cubain sont en tête avec 6,5 pts, devançant Alekhine et Vidmar (5), Spielmann et Marshall (3,5).

A son tour, Nimzowitsch va connaître une grosse défaillance (défaites face à Vidmar, puis Alekhine) et permettre au champion du monde de s'envoler.

Au bout du quatorzième tour, la lutte pour la seconde marche du podium devenait concrète avec Alekhine qui le rejoint au classement et Vidmar qui se tient en embuscade à un demi point.

Une semaine avant la fin de la compétition, Capablanca (12,5) était déjà assuré de la première place, tandis que "notre trio infernal" avait le même nombre de points (9).

Mais le Russe changea alors de braquet et sema ses deux concurrents dans la dernière ligne droite en se vengeant sur Marshall et Spielmann.

C'est ainsi qu'au soir du 23 mars 1927, Alekhine fut définitivement assuré de disputer six mois plus tard le match pour la couronne mondiale !